Règlements de comptes de 1793 à 1799 entre villages situés autour
de la partie avale de la rivière « Vègre » en Champagne (Sarthe)

* Concerne les familles issues des Dubois, Le Peletier, Guérin. *

Il ne faut pas. confondre la Chouannerie avec la Vendée. Les deux mouvements se mêlèrent, mais l'histoire de la Chouannerie, c'est l'histoire de la vie intime du Maine pendant les années qui, de 1793 à 1801, précédèrent l'établissement du Premier Empire.

La chouannerie tira son nom d'un de ses chefs les plus populaires: Jean Cottereau, dit «Jean Chouan», qui opéra surtout dans la Mayenne dont il était originaire. On donna encore le nom de chouans aux insurgés, par analogie avec leur cri de ralliement imitant celui du chat- huant (un chouan, en patois manceau). Ce mouvement contre-révolutionnaire des paysans du Maine, faux-saulniers, braconniers, révoltés, qu'armèrent les levées d'hommes, les réquisitions, la politique antireligieuse de la Révolution, fut une petite guerre, mais combien farouche. Un moment ralentie pendant la Terreur, elle s'enflamma de nouveau après le 9 Thermidor An Il (27 juillet 1794), quand les prisons ouvertes donnèrent la liberté aux suspects, aux prêtres réfractaires qui se répandirent dans les campagnes.

Le 12 septembre 1793, l’attroupement des insurgés royalistes de Chevillé et Mareil-en-Champagne se porta sur Poillé s/Vègre. Mais les habitants de ce village, ralliés par le jeune Baumer (âgé de 20 ans) ayant à leur tête leurs officiers municipaux prirent tous les armes, renforcés par des éléments de Fontenay s/Vègre et d’Asnières s/Vègre. Après la fusillade les insurgés se sauvèrent, mais Poillé eut encore à repousser une attaque de 1.400 rebelles venus d’ Auvers-le Hamon. A partir du lendemain, la répression républicaine à ce soulèvement fut terrible.

Bilan de ces journées :

Localitées (Sarthe)

Nombre de personnes tuées
par les Chouans par les Républicains

en combat

en combat

guillotinés

en prison

Viré-en-Champagne

2

3

3

18

Avessé

1

2

 

 

Brûlon

4

 

 

19

Chevillé

18

1

71

Mareil en-Champagne

1

3

19

Poillé s/Vègre

12

 

 

St-Christophe en-Champagne

 

1

3

St-Ouen en-Champagne

5

 

 

L'audace des Chouans fut particulièrement grande, dans la région de Brûlon, pendant l'année 1799.

Le 15 Ventôse An VII (5 mars 1799) disparut le citoyen Beslin, expert, domicilié à Saint-Ouen. Ce citoyen, bon patriote, parti de Brûlon où il était pour affaire, sur les 6 heures du soir, et étant entré en passant. chez le citoyen Droisneau, fermier à Cottereau, en Chevillé, fut assassiné et son cadavre si bien caché qu'on n' en put retrouver la trace.

Le 25 Germinal An VII (14 avril 1799) les Chouans enlevèrent les deux filles du citoyen Fautrat-Guérinière de Brûlon. entre Mareil et Loué. Ces enfants ne furent rendues que sous la menace de conduire sur les pontons de Rochefort les deux plus riches royalistes du canton qu’on avait arrêtés.

Le 5 Messidor An VII [(23 juin 1799) c'est au tour d’un domestique de disparaître de Chevillé.

Le 21 suivant (9juillet) les Chouans, au nombre de 300, attaquèrent Poillé, y tuèrent deux jeunes gens sans défense et se portèrent sur Brûlon. Arrêtés près du château de Martigné par le feu des Républicains, ils reculèrent.

Le 9 Thermidor (27 juillet 1799) sur les 6 heures du soir, une troupe de 9 à 10 Chouans entra à Chevillé, y abattit l'arbre de la Liberté, comme elle venait de le faire à Saint-Ouen. Le Commissaire exécutif près l'administration du canton de Brûlon écrivit alors: « Les brigands continuent d'être les maîtres du pays ».

Le 17 Thermidor An VII (août 1799) ce même commissaire écrivait encore :

« Le camp des Chouans est établi à Chevillé. Nous ne sommes pas en force pour les attaquer; nous n'avons que 30 hommes disponibles. Ils se flattent de se rendre maîtres de nos caisses et de nos maisons sous trois jours et menacent de brûler les maisons s'ils ne peuvent les prendre ».

Et le 23 fructidor (9 septembre 1799) ce fonctionnaire écrit à nouveau :

« Les Chouans ont apposé le séquestre sur les récoltes des biens ci-devant nationaux donnés à moitié. Les fermiers terrifiés n'osent conduire la moitié à leur maître, ni leur payer leur terme ».

Quelques jours plus tard, le 29 Fructidor (15 septembre 1799). Chouans et Républicains furent aux prises à la Cohue, à la limite de Chevillé et de Chantenay. Le Commissaire exécutif près l'administration du canton de Chantenay rapporte :

« Ayant été informé sur les 4 heures après-midi que les Chouans étaient rassemblés au hameau de la Cohue, commune de Chevillé, au nombre de 150 à 200, des sentinelles ont été placées sur les chemins qui conduisaient au camp de ces messieurs, pour arrêter tous ceux qui auraient pu les aver ir de notre dessin... et en moins de quatre minutes, cinquante hommes sont partis, tant chasseurs que de la colonne mobile et quelques-uns de nos braves, ayant à leur tête Chaudemanche notre agent, Guérin le secrétaire et Le Peltier le jeune, élève de l'Ecole Centrale, tous brûlant du désir de se mesurer avec ces coquins. Cette colonne s'est divisée en deux points pour mieux réussir et dérober plus facilement leur marche. Ayant arrivé dans le même instant, l'une d'elles s'étant trouvée vis-à-vis d'une des sentinelles de ces messieurs, le jeune Peltier s'est glissé le long d'un fossé pour la prendre afin de mieux les surprendre, mais ayant été aperçu il a été obligé de tirer un coup de fusil, alors tous les Républicains ayant marché au pas de charge ont fait un feu roulant sur les coquins qui ont pris la fuite comme des lâches, ils ont été poursuivis pendant une lieu, jusqu'à ce que la brume les ait dérobés. Le résultat de cette affaire a été 7 à 8 Chouans restés sur place. un bien plus grand nombre de blessés au nombre desquels un de leurs capitaines nommé Virole ou Sabretout. ».

D'après les archives de la Sarthe: série L 235,
Et E. Roulin : Chevillé pendant la Grande Révolution.

Mise en page : Eric Dubois-Millot - Oct.2002 -
 |